Drôle de matin [Rés Jenny]

Mark entra dans le musée comme on entrait dans une église, avec révérence et respect. Le musée qui avait hérité du nom de son ancêtre était un des rares sanctuaires inviolé d’Acadia. Même l’église de la ville s’était, depuis des générations, transformées en champs de bataille.

En temps normal, le lundi matin il le passait avec Zoey et Jill. Il n’avait pas de cours avant tard dans l’après-midi, il profitait donc de cette période pour déjeuner tranquillement avec la petite et Jill. Mais depuis une semaine, il les évitait comme la peste. Il s’en voulait de le faire, mais il était incapable de les regarder dans les yeux sans penser que la femme qu’il aimait vraiment n’était qu’à quelques minutes de marche de là. Il se levait tôt le matin et s’éclipsait alors que tout le monde dormait encore et ne revenait que le soir pour coucher Zoey. Pour finalement s’enfermer à double tour dans la bibliothèque avec une bouteille de whisky qu’il finissait immanquablement par finir en s’endormant dans un fauteuil pour ensuite recommencer le même manège quand il se réveillerais le lendemain matin avec la gueule de bois. Sa vie familiale n’était pas la seule affectée par le retour de Jenny dans sa vie. Ses cours aussi en souffraient. Il n’assistait à ses cours que pour ne pas avoir à rester au Manoir. Il passait son temps à dormir dans le fond de la classe. Menaçant dangereusement l’issue de ses examens finale qui approchaient à grand pas. S’il ne passait pas ces examens il ne lui restait plus qu’à aller se jeter dans la baie du haut de la falaise. S’il passait ses examens même de justesse les choses pourraient peut-être s’arranger. Il serait presque 24 heures sur 24 à l’hôpital ou peut-être qu’il pourrait parler à Jill de la proposition qu’il avait eu de faire son internat à Dublin. Peut-être dirait-elle oui et ils pourraient essayer de recommencer à zéro là ou tout avait commencé. Il aurait peut-être la chance d’oublier Jenny là-bas. Oublier à quel point leur rencontre sur la montagne avait ravivé des sentiments profondément enfouis.

Il jeta un regard noir à la bouteille « d’eau » qu’il avait en main. Il en prit une longue gorgée, grimaçant tandis que l’alcool lui brulait la gorge. Tranquillement, il posa la bouteille vide sur le banc au milieu de la salle et y prit place. Son regard errant dans le vide, il ne pouvait imaginer que cette guerre durait depuis des siècles et qu’encore aujourd’hui des vies étaient gâchées en cause d’elle. Après un moment d’hésitation, il plongea une main dan la poche intérieur de sa veste et en sortit une seringue et une ampoule de morphine rapporté de sa tournée matinale à l’hôpital une heure plutôt. Étant donné qu’il était un gars de la place et que tout le monde le connaissait et lui faisait confiance, on lui donnait beaucoup de liberté dans l’hôpital. Une infirmière lui avait demandé d’aller lui chercher une boite de gant dans la réserve ce matin alors qu’il était de passage au poste. Il n’avait pas prévu que la tentation serait aussi forte. Se servant de la carte magnétique de l’infirmière il avait ouvert la partie verrouillé de la réserve et avait rapidement prit une ampoule de morphine et une seringue. Ça faisait une éternité qu’il ne s’était pas piqué. Ça faisait une éternité qu’il n’avait pas embrassé Jenny Léger aussi. Elle avait toujours eu le don de tout mélangé dans sa tête. Le pire c’est qu’elle ne s’en rendait probablement pas compte!!

Entendant un bruit de pas s’approcher il remit rapidement son butin dans la poche de sa veste et regretta aussitôt que sa bouteille soit vide.

La tête enfouie sous l'oreiller, Jenny essayait de se rendormir. Elle savait pertinemment que son cadran claironnerait dans moins de cinq minutes, la préparant ainsi à une longue journée de cours, mais elle n'en avait pas du tout envie. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était de se rendormir, d'oublier ce cadran et les cours, et dormir toute la journée. Elle ferma les yeux, fronçant les sourcils et enfonçant l'oreiller par-dessus sa tête. Les muscles du visage commencèrent alors à se détendre, de même que ses poingts, et tranquillement, elle se sentit sombrer de nouveau dans le sommeil. Ça ne prit pas cinq secondes qu'elle commençait déjà de rêver. Il faisait nuit, et elle courait dans le forêt du Mont d'Acadia. Jenny fronça les sourcils et se retourna violemment. Elle en avait assez de se cauchemar terrible qui était en fait la même scène en boucle de sa chicane avec Mark. Elle ne l'avait pas revut depuis, était simplement partie chez elle en pleurant, laissant le MP3 sur la tente, trop épuisée et triste pour même se donner la peine d'écouter la chanson qui lui avait installée au complet. Ses sentiments étaient toujours aussi confus, elle évitait donc du mieux qu'elle le pouvait l'aîné des Leblanc. Son cauchemard persistait, Mark était penché au dessus de sa blessure, lui marmonnait quelque chose lorsque...

DRING!

Les sonneries du cadran réveillerent Jenny en sursaut. Instinctivement, elle se redressa dans son lit, et s'assit en rammenant ses genoux contre elle. Elle grelottait malgré l'épaisseur de ses édredons, et la tête lui tournait légerment. Elle n'était définitivement pas en état de se présenter en cours. Mais elle ne voulait pas se rendormir non plus. À quoi ça lui servait de chercher à éviter Mark si c'était pour le revoir presque chaque soir dans ses nuits? S'enveloppant de l'édredon, la demoiselle Léger se traîna jusqu'à la cuisine où elle se servit une grande tasse de café noir. Elle se plaça en boule sur le tabouret, salua son frère et sa soeur lorsqu'ils partirent pour leurs propres cours, et finit son café qu'elle fit suivre d'un petit déjeuner léger, fruits, yougourt et pains grillés. Depuis sa rencontre avec Mark, elle s'était laissée aller. Toujours reconnue comme la plus superficielle des fondateurs, elle n'hésitait plus maintenant de se promener en zombie vêtue n'importe comment au Manoir Léger. Revoir le jeune homme lui avait fait un grand bien, mais aussi du mal. Ils leur prendraient bien du temps avant d'en finir avec cette histoire.

« Besoin d'une bonne douche... »

Marmonnnant dans sa barbe, Jenny se redressa, et toujours enveloppé dans sa couverture, se traîna maintenant jusqu'à la salle de bain, où elle profita une bonne heure d'un grand jet d'eau bouillante. Un peu plus réveillée, elle alla à sa chambre où elle se vêtit rapidement, grelottant à cause de ses cheveux mouillés. Il frôlait les 0 degré dehors, les automnes sont toujours pénibles à Acadia. Et je ne vous parle pas des hivers... Elle enfila un jean foncé plus ou moins large, agencé avec un chandail tout simple noir, par dessus lequel elle enfila un grand coton ouaté gris. Trop paresseuse pour s'occuper cette fois de ses cheveux, elle se contenta de nouer la couette mouillée dans une toque humide d'où s'échappait des mêches rebelles. Loin d'être habillée et préparée comme à son habitude, la demoiselle Léger était confortable et au chaud et contente de s'être laissée aller pour une fois. Elle redescendit à la cuisine où elle avala en vitesse une deuxième gorgée de café avant d'aller chercher son sac et ses clés sur la table d'entrée. Elle profiterait de sa journée de congé improvisée pour aller faire quelques courses. Elle ne risquait de rencontrer personne, tous et toutes étant en cours.

Les rues du Centre-Ville d'Acadia avaient beau être dénudées de tous passants, toutes les places de stationnement étaient prises. Un peu énervée, Jenny finit par en trouver une un peu plus loin, juste devant le musée. Elle sortit de son véhicule, paya le parcomètre, et rencontra alors l'enseigne du musée. Musée S.J. Leblanc. Un frisson la parcourut, malgré le manteau qu'elle avait enfilé par dessus son coton ouaté. Leblanc. Une envie irrésistible de rentrer dans le musée s'empara d'elle. L'endroit relatait l'histoire des fondateurs, son histoire, et pourtant, elle n'y avait pas mit les pieds depuis des siècles. Elle avait déjà assez de problèmes pour se remémorrer encore la guerre français/anglais qui se livrait toujours à deux pas de chez elle. Le musée était vide et silencieux, et Jenny profitait du calme des lieux pour se reposer. Elle regardait les murs des côtés lorsqu'elle s'apperçut qu'il y avait quelqu'un assis sur le banc au centre de la pièce qui semblait la regarder. En fronçant les sourcils, elle reconnut Mark Leblanc, et à côté de lui, une bouteille d'alcool vide. Aussitôt un mélange de rage et tristesse s'empara d'elle, et elle risqua un regard vers sa main où elle avait encore le pansement, changé ne vous inquietez pas, de la blessure qu'elle s'était faite lors de leur nuit à la montagne.

Sans un mot, elle le regarda, le remarquant mettre rapidement quelque chose dans sa poche. Puis, toujours en gardant le silence, elle s'avança vers lui, le pas décidé, et sans un regard vers le jeune homme qu'elle aimait toujours, s'empara de la bouteille et la lança dans un gras fracas dans la corbeille proche. Elle en comprenait pas son énervement, mais le voir là, entrain de boire l'avait dérangé. Elle fixa ses poches d'un air rageur, et secouant la tête, regrettant soudain de s'être emportée, ramena ses bras croisés sur sa poitrinre.

« Mark... »

Avant même d’entendre sa voix il avait deviné que s’était Jenny qui s’approchait dans son dos. Elle était dure à ignorer et encore plus difficile à ne pas reconnaitre cette démarche particulière. Il tendit la main vers sa bouteille vide, mais elle le prit de vitesse la jetant dans la corbeille la plus près.

« Mark... »

Son ton de voix trahissait sa colère. Une colère qu’il trouvait injustifié et injuste puisqu’il n’avait fait que faire ce qu’elle lui demandait pour une fois.

-Désolé, je partais.

Il se leva avec la ferme intention d’aller se cacher dans un bar miteux pour se faire une injection de morphine. Il en avait de besoin. En fait, ce qu’il avait désespérément besoin était devant lui à le regarder comme si elle voulait le voir mort. Vu les circonstances il se contenterait d’une bonne dose de morphine. Évitant toujours le regard de Jenny, il la contourna, n’osant même pas lui adresser la parole. Complètement ailleurs, il ne vit pas le coin du banc et s’y cogna.

-Aoutch… Argh…

Il se rassit une seconde. Il savait qu’il n’était pas blessé. Le pire serait un gros sur le devant de la jambe. Si on oubliait son ego surdimensionné dans l’équation, évidemment5 son ego surdimensionné dans l’équation, évidemment.

-Jenny…

Il ne s’avait pas quoi dire. S’excuser pour avoir fait ce qu’elle lui demandait ? S’excuser pour l’avoir embrasser ou pour tout simplement ne pas être retourné à Dublin sur le premier vol après leur dispute ?

-Ta main? Demanda-t-il d’une voix mal assuré, incapable de trouvé autre chose pour se sortir de l’embarras. Elle va mieux ?

Il se frotta le devant de la jambe une seconde avant de lever le regard vers elle pour la première fois depuis qu’elle était entré. Elle lui avait tellement manqué cette dernière semaine. Il aurait voulut la prendre dans ses bras et ne jamais la laisser partir et surtout ne plus l’écouter si elle lui demandait de partir.

Jenny regretta sa crise de colère. Elle ne comprenait pas elle-même ce qui l'avait poussé à aller faire éclater cette bouteille dans un éclat de rage. Il faut dire qu'elle avait l'impression de recommencer cette scène qui lui tournait en boucle dans la tête sous forme de cauchemar. Bouteille d'alcool brisée, blessure, réconciliations simplement pour créer de nouvelles chicanes. Et elle ne voulait pas revivre ça, pas encore une fois. Elle n'en avait pas le courage, elle était partie de chez elle justement pour avoir à éviter de se remérorer cette soirée horrible. La fin horrible de cette soirée plutôt. Mark avait entièrement raison de trouver sa colère injustifée et injuste, la demoiselle Léger pensait de même. Il n'avait fait que ce qu'elle lui avait demandé. Il était partit sans lui demander rien de plus, et c'était fait invisible. Le fait est que, malgré ses supplications, Jenny aurait voulu qu'il reste. Bien sûr, elle ne lui avait pas donné de choix, et elle ne pouvait pas être fâchée contre lui à cause de cela, mais n'empêche qu'elle aurait voulu qu'il insiste plus. Ou n'importe quoi. Qu'il ne parte pas. Mais c'est elle qui l'avait obligé. Elle ne pouvait le blâmer. "Désolé, je partais." Elle secoua la tête, et allait lui demander, le supplier?, de rester plus longtemps, qu'ils devaient parler, faire quelque chose pour qu'elle arrête de se morfondre jour et nuit, mais il se fit plus rapide et se leva, la contourna et partit. Elle baissa les yeux, et se retournait pour partir à son tour quand elle entendit Mark. "Aoutch… Argh…" Inquiètée, elle se retourna de nouveau pour le voir s'asseoir.

Elle secoua la tête, et resta les bras croisés, indécise quand à comment elle se sentait. Triste, en colère? Déçue, troublée? Toutes ses réponses. Elle passa nerveusement une main dans ses cheveux. Elle ne se ressemblait plus. Habillée n'importe comment, idem pour la coiffure, et avec pour une fois, le bec cloué. Elle avait envie de lui dire qu'elle avait pensé à lui toute la semaine, qu'elle voulait s'excuser, mais elle en était incapable. "Jenny…" L'intéressée leva aussitôt les yeux, un rien trop pressée. Il fallait qu'il brise la glace, et qu'ils se vident le coeur. Mais à la place, il changea nerveusement de sujet. "Ta main? Elle va mieux ?" Jenny grimaça. Elle regarda le bandage, haussa les épaules, et tenta un sourire, mais celui-ci apparut plutôt comme une grimace sur ses lèvres gourmandes.

« Oh, ne t'inquiète pas. Elle va bien. »

Encore une fois, elle regretta ses mots. Ne t'inquiète pas. Il n'était tout de même pas à se morfondre car il s'inquiètait de l'état de sa main, et elle, la jouait diva dramatique. Elle secoua la tête, et de nouveau, tentative de sourire.

« Et toi ça va? Pas ta main, mais... »

Bien sûr qu'il savait qu'elle ne parlait pas de sa main. Elle était idiote par moment. Elle tripota nerveusement une mêche de cheveux, ne se rappellant même plus pourquoi elle était en colère tout à l'heure.

« Désolée. Pour tout à l'heure, j'étais énervée, je ne sais pas... »

Évidemment, une fois n'est pas coutume, des flots de larmes partirent de ses paupières closes. Et la rage recommença à bouilloner.

« Pourquoi est-ce que je te retrouve encore à boire seul? Avec je-ne-sais-quoi dans ta poche? »

Elle ouvrit les yeux, rageusement. Rage contre elle-même, le mal que s'affligeait Mark et le mal qu'il lui affligeait.

« Pourquoi tu m'as écouté...? »

Elle reprit son souffle.

« C'était le moment pour en faire à ta tête... »

« Oh, ne t'inquiète pas. Elle va bien. »

En fait, sa question n’était pas tellement destinée à sa main, mais plutôt à elle. Il voulait savoir comment elle allait? Si elle avait assez dormit depuis leur dernière rencontre. Si elle ne se laissait pas mourir de faim sans raison. Il ne supportait pas de la voir souffrir en cause de lui.

-Aucune rougeur ? Boursoufflure ou sensibilité au niveau de la coupure ?

Il préférait être un médecin devant une patiente, plutôt qu’un gars désespéré devant la fille qu’il aimait. Tout plutôt que de la laissait voir qu’il se morfondait en manque d’elle comme il se morfondait d’un manque de morphine.

« Et toi ça va? Pas ta main, mais... »

Un petit sourire moqueur apparut au coin de ses lèvres. Seulement en de très rare occasion, il avait eu la chance de voir Jenny bafouiller et encore plus s’exprimer difficilement. Elle qui parlait trop par moment.

-Ça pourrait aller mieux… Tu me manques, murmura-t-il, espérant qu’elle ne l’ait pas entendu.

« Désolée. Pour tout à l'heure, j'étais énervée, je ne sais pas... »

-Ça va. Elle était vide de toute façon, dit-il avec une indifférence parfaitement feinte.

« Pourquoi est-ce que je te retrouve encore à boire seul? Avec je-ne-sais-quoi dans ta poche? »

-Pour la même chose que la dernière fois, répondit-il d’une voix faible et empreinte de tristesse.

Ce qui le surprit fut l’allusion au contenu de sa poche. Elle avait eu le temps de voir. Aussitôt Mak se sentit coupable de sa faiblesse.

-Sauf votre respect mademoiselle Léger, ce que contient ma poche ne vous concerne pas le moindrement.

Son ton froid était une insulte aux sentiments qu’il éprouvait pour la jeune femme.

« Pourquoi tu m'as écouté...? »

La question de la jeune femme le surprit.

« C'était le moment pour en faire à ta tête... »

-Tu me reprochais sans cesse de faire à ma tête. Et la dernière fois que je l’ai fais je t’ai brisé le cœur. Alors pourquoi tu insistes pour que je le fasse une deuxième fois.

C’était à son tour d’être en colère contre elle maintenant. N’avait-elle pas vu la douleur dans ses yeux quand il avait quitté le campement ? N’avait-elle pas deviné qu’elle était la raison de sa souffrance ?

-Décide-toi, bon sens !! Tu veux que je parte ou non. C’est ta décision. Je respecterais ton choix, mais viens pas me reprocher une semaine plus tard de t’aimer au point de respecter tes envies.

Comment elle allait? La réponse était plutôt évidente. Très mal. À la voir ainsi, Mark aurait dû le savoir. Mais il était évident aussi que lui n'allait pas très bien non plus, quand on doit se résigner à boire seul dans un musée, on ne va définitivement pas bien. À titre d'information, juste pour vous donnez une idée de l'état de Jenny, si la bouteille de Mark n'aurait pas été vide, elle l'aurait bien callée en une gorgée. Si elle avait assez dormi? Sûrement pas. Les poches mauveâtres que le fond de teint qu'elle n'avait pas mis n'aurait même pas atténué la couleur violacé en était une preuve. Il est dûr de trouver le sommeil lorsqu'à chaque fois que nos paupières sont closes, nous reviennent les images d'une scène terrible. Elle n'était pas encore au stade de se laisser mourrir de fin, mais l'après de cette rencontre pourrait mener à cela. On verra bien. ''Aucune rougeur ? Boursoufflure ou sensibilité au niveau de la coupure ?'' Jenny secoua la tête, il n'y avait que la coupure. Le mal, c'était au niveau des sentiments, pas physique. Au fond d'elle-même, elle revait de pouvoir dire à Mark qu'elle n'avait pas fermé l'oeil depuis qu'ils s'étaient quittés, comment il lui manquait. Elle releva les yeux. Elle était capable. Elle lui dirait.

« Non, rien du genre... »

Elle lui dirait. Mais pas maintenant. La coupure, pas celle de sa main, était encore trop fraîche, et ses émotions à vif. Lorsqu'elle trébucha dans ses mots, elle remarqua immédiatemment son petit sourire moqueur, et elle eut une vague de sourire, résigné, et baissa la tête. Elle était vulnérable, il le savait, mais plutôt qu'en profiter pour la faire souffrir mais il se contentait de s'en amuser, de lui rappeler à quel point il la connaissait par coeur. ''Ça pourrait aller mieux…'' Elle eut un petit hochement de tête. Elle n'entendit pas le ''Tu me manques'', mais si ç'avait été le cas, elle lui aurait sauté au cou. Sans aucun doute. Tu me manques aussi. Plus que tu ne le crois. Et elle souffrait de devoir cacher cette envie d'être dans ses bras derrière la façade de cette conversation banale et fade ponctuée de silences gênés. ''Ça va. Elle était vide de toute façon.'' Nouveau hochement de tête, nouveau silence gêné. Était-ce à quoi ils étaient résignés? Des silences gênés et de barbandes conversations où milles sentiments et émotions se cachent derrière les petits hochement de tête. ''Pour la même chose que la dernière fois'' Jenny eut un faible sourire.

« Alors je ne m'aventure pas sur la question... »

Son ton n'était plus en colère, plus blessée et déçue. ''Sauf votre respect mademoiselle Léger, ce que contient ma poche ne vous concerne pas le moindrement.'' Elle eut un mouvement de surprise. On aurait dit que Mark s'adressait à une inconnue. Elle fronça les sourcils, troublée, et d'une petite voix mal assurée, répondit.

« Évidemment... »

Le ton de Mark était froid et distant, et Jenny n'avait envie que de partir en courant et de se réfugier dans son lit, quitte à devoir affronter une nouvelle fois la scène du Mont. C'était moins pire que de revivre la scène encore, en vrai. ''Tu me reprochais sans cesse de faire à ma tête. Et la dernière fois que je l’ai fais je t’ai brisé le cœur. Alors pourquoi tu insistes pour que je le fasse une deuxième fois.'' Il était en colère, mais Jenny ne l'était plus. Elle était plus troublée de le perdre que de lui faire comprendre à quel point elle avait souffert. Il l'avait sans doute déjà comprit, il le traduisait par ses tons de voix, ses attentions.

« Je sais, mais... »

''Décide-toi, bon sens !! Tu veux que je parte ou non. C’est ta décision. Je respecterais ton choix, mais viens pas me reprocher une semaine plus tard de t’aimer au point de respecter tes envies.'' Elle secoua la tête, et ne put se retenir.

« Non! Non, je ne veux pas que tu partes. »

Elle le regarda droit dans les yeux, et analysa sa réponse. ''... de t'aimer...''

« Aimer? »

Elle secoua la tête.

« Je ne veux pas que tu partes, parce que tu sois là ou non, je pense toujours à toi, et je ne t'oublierais jamais. Mais ce n'est pas facile. Pas du tout, et je suis mélangée, je ne comprends pas ce que je veux, ou ce que je ressens, mais c'est sûr, je ne veux pas que tu partes... Je ne le supporterais plus... »

Elle se contradisait sans arrêt, mais il était de même pour Mark. Ils ne faisaient que se vider le coeur, et le coeur est toujours confu. Toujours.

« Non, rien du genre... »

« Dommage » se dit-il. Il aurait bien aimé ne pas être la cause de l’état dans lequel elle était. Si sa coupure s’était infectée. La fièvre, la douleur auraient facilement pu la mettre dans cet état. Malheureusement ce n’était pas le cas. C’était de sa faute comme toujours. Il devait se battre contre lui-même pour ne pas la prendre dans ses bras et la serrer de toutes ses forces. Elle lui avait tellement manqué depuis une semaine. Elle ne lui avait pas manqué depuis son arrivé à Dublin ou il était comme un junkie en manque.

« Alors je ne m'aventure pas sur la question... »

-Pourquoi pas ? Peut-être que si on parlerait franchement on finirait par comprendre.

La vérité et l’honnêteté étaient des épées à deux tranchants, mais comme ils n’arrêtaient de se blesser un et l’autre d’une façon ou d’un autre. Et puis, s’ils avaient été honnête un avec l’autre dès le début rien de tout ça ne serait arrivé. Peut-être même que s’il s’était confié à elle au tout début, il ne serait pas partie à Dublin. Mais dans ce cas il n’aurait pas Zoey qui est la plus belle chose qui lui était arrivé.

Son ton blessé et déçu le faisait souffrir. La déception avait toujours été l’arme de prédilection de son père. Tellement qu’encore aujourd’hui il avait de la difficulté quand il se rendait compte qu’il avait déçu quelqu’un. Il ferma les yeux une seconde. Il n’était pas prêt à la laisser partir. Pas encore une fois, mais si c’est ce qu’elle voulait…

« Je sais, mais... ».

-Non, tu ne sais pas !! Et il y a pas de mais qui tienne cette fois. Tu te souviens ou les « mais » nous ont menés la dernière fois.

La dernière fois que la profusion de mais l’avait poussé à bout, il était partie et n’était revenu que six ans plus tard marié et papa.

« Non! Non, je ne veux pas que tu partes. »

Sa réponse le surprit. Il pensait qu’elle ferait comme une semaine plutôt et lui demanderait de partir, mais de toute évidence, elle était aussi confuse que lui.

« Aimer? »

Il repassa en vitesse ses paroles dans sa tête. Il n’avait pas réalisé qu’il avait utilisé le mot aimer, mais ça ne le surprenait pas tellement. C’était la vérité après tout. Il l’aimait, il l’avait toujours aimé, même s’il l’avait oublié un moment. Seulement il n’osa pas répondre de peur de faire une gaffe. Plus les minutes passées plus il avait de la difficulté à se retenir. Il devait avouer qu’il avait besoin d’elle.

« Je ne veux pas que tu partes, parce que tu sois là ou non, je pense toujours à toi, et je ne t'oublierais jamais. Mais ce n'est pas facile. Pas du tout, et je suis mélangée, je ne comprends pas ce que je veux, ou ce que je ressens, mais c'est sûr, je ne veux pas que tu partes... Je ne le supporterais plus... »

Incapable de résisté plus longtemps, il la prit dans ses ras et la serra contre lui.

-Je n’irai nulle part. Je ne vais nulle part.

De toute évidence, les femmes de sa vie avaient comploté pour l’attacher à Acadia. Lena ne lui avait-elle pas fait faire la même promesse à peine quelques jours avant qu’il ne rencontre Jenny sur la montagne ?

« Faut avertir tout le monde à Dublin maintenant… Et surtout Professeur Callaghan !! » se rappela-t-il. Il était un peu déçu. Il aurait adoré retourné faire son internat dans une hôpital de cette réputation et surtout avec un superviseur de renom, mais maintenant il ne pouvait plus se le permettre.

''Pourquoi pas ? Peut-être que si on parlerait franchement on finirait par comprendre.'' Jenny eut un faible sourire, et secoua péniblement la tête. Bien sûr, la meilleure chose pour eux seraient de se parler face à face, sortir tout ce qu'ils ont sur le coeur et dans la tête. Ils se retrouveraient plus à l'aise l'un avec l'autre, et ils n'auraient plus peur de tout ce qu'ils pourraient dire par inadvertence. Le problème, c'est que Jenny n'arriverait pas à tout dire, franchement, à Mark. Pour la simple et bonne raison qu'elle-même ne savait pas comment elle se sentait, ce qu'elle voulait, ses sentiments. Tout était si confus, et en parler avec lui ne ferait que la mélanger d'avantage. Elle avait besoin de temps, voir ce qui adviendrait d'eux deux, mais pour le moment, elle était incapable de se faire une idée fixe. Mark interrompit Jenny dans ses pensées. ''Non, tu ne sais pas !! Et il y a pas de mais qui tienne cette fois. Tu te souviens ou les « mais » nous ont menés la dernière fois.'' La demoiselle Léger eut un nouveau hochement de tête. Elle le savait très bien, et elle ne voulait pas le revivre. Ça au moins, c'était clair.

Jenny aussi devrai avouer qu'elle a besoin de lui. Tout était obscure dans sa tête, ses sentiments étaient cachés derrière des voluptes de fumées sombres mais les choses n'iraient pas mieux si Mark était loin. Elle avait vécut six années, six longues années sans lui, et jamais elle n'avait autant errée, ne sachant pas quoi faire. Elle avait besoin de lui, pour l'aider, la soutenir, mais aussi car elle l'aimait. Dans ses bras, elle était en sécurité, rien ne pouvait lui arriver, il était là, comme son gardien. Jenny aurait tout donné pour se jeter dans ses bras à ce moment là, mais ç'aurait été trop déplacé. La discussion était chancelante, et à tout moment, ils pouvaient retomber sur ce sujet qui pourraient les fâcher de nouveau. Même lorsqu'ils étaient officiellement ensemble, il y a de ça plusieurs années, ils leur arrivaient souvent de se chicaner, les deux ayant un caractère des plus indéchiffrables. Mais Jenny ne voulait plus le faire fâcher, il devait resté. Elle en avait besoin. Elle finit par lui avouer qu'elle avait besoin de lui. Et sa réponse la surprit.

En moins de deux secondes, elle sentit les bras de Mark l'entourant, et elle se sentit subjuguée. Elle manqua de souffle, et se reprit, enfonçant son nez dans son chandail, histoire de respirer l'odeur qui lui avait tant manqué. Soudainement calmée et rassurée, Jenny ferma les yeux, appuyant sa tête contre son torse. ''Je n’irai nulle part. Je ne vais nulle part.'' La demoiselle Léger sourit doucement, et glissa ses mains dans son dos, le resserrant plus contre elle. Elle murmura, encore accôtée contre lui.

« Merci... »

[Réponse minuscule, je suis désolée ]

« Merci... »

Il la serra un peu plus contre lui content qu'elle ne le repousse pas. Il en serait mort!! Il fut encore plus soulager en la sentant repondre à son étreinte. Elle lui avait tellement manquer.

-Merci pourquoi? Depuis mon retour tout ce que j'essaye de faire c'est de racheter mon absence. Et comme tu m'as évité jusqu'à maintenant c'est à ton tour.

Il secoua la tête en soupirant, appuyant son menton sur le dessus de la tête de Jenny qui sans talon était beaucoup moins grande. L'odeur de ses cheveux lui était familière. Lui rappelait une époque qui lui semblait si lointaine. Les yeux fermé, il se rappelait la première fois qu'il l'avait pris dans ses bras. Il avait fait exactement la même chose qu'il faisait présentement. Il oubliait tout autour et profitait de la présence de la jeune femme dans ses bras. Essayant de mémoriser chaque détail jusqu'à ce que sa mémoire soit pleine. Il serait le plus malheureux des hommes si un jour il devenait amnesique ou faisait de l'azheimer. Comment pourrait-il survivre sans tout les souvenirs de ses moments si cher à son coeur?

-Je suis désolé d'être ^partie sans t'avertie au préalable.

Il était sincère, mais il se demandait si elle le croirait. Personne n'avait idée à quel point il s'en voulait d'être partie. Personne ne savait à quel point il lui était difficile d'être ici et d'entendre les reproches de tout le monde, tout le temps. Il savait qu'il avait fait une erreur. Il savait qu'il n'avait pas été la pour les gens qu'il aimait. Qu'est ce que vous pensez qu'il faisait ici depuis deux ans autres qu'essayez de se faire pardonner?

-Tu m'as tellement manquer, finit-il par murmurer à son oreille.

Il ne parlait pas seulement de cette semaine cependant. Il parlait de sa longue absence. Sa longue absence dont il était coupable pour tout le monde.

Il finit par relacher son étreinte, juste assez cependant pour pouvoir la regarder dans les yeux. Il devait changer de sujet. Il ne voulait parler de ça. Pas maintenant. Il ne voulait pas devoir éviter de lui répondre pour ne pas lui mentir. Cherchant une idée de génie, il finit par trouver le sujet parfait. Étant tous les deux les ainés de leur familles ils comprenaient les responsabilité qu'un et l'autres avaient. Et comme il avait croisé Karolyn dernièrement et que son état l'avait inquiet. C'était l'occasion parfaite de changer les idées de Jenny et de savoir qu'est ce qui se passait avec la jumelle.

-Hey Jen'! Qu'est ce qui se passe avec ta soeur? Elle avait l'air mal au point quand je l'ai croisé hier soir.

Tout pour ne pas parler de Jill qui le trompait. Tout pour ne pas penser au fait qu'il l'avait perdu par sa faute!! Il n'avait personne sauf lui-même à blâmer pour ça.

[PTDR Changement de sujet drastique!! Et puis sais tu que t'as réussit à me faire pleure ma petite bonjour en lisant le poste avec Karo!! Sad

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